Naevus géant congénital

Il s’agit de « grains de beauté » géants, de découverte assez stupéfiante pour les parents et les soignants à la naissance.  Il est important de pouvoir évaluer calmement la situation avec les parents, et d’adresser les enfants rapidement pour un avis sur les possibilités de traitement chirurgical. Plusieurs éventualités sont discutées, l’abstention raisonnée pouvant être une possibilité.

Diagnostic

Le diagnostic des nævus congénitaux est clinique : tache, plaque, voire tumeur pigmentée néonatale, pileuse ou non, de taille variable (arbitrairement : petit, diamètre de moins de 1,5 cm, grand plus de 20cm, intermédiaire entre les deux).

L’histopathologie montre des cellules pigmentaires regroupées en amas ou thèques au dessus de la jonction dermo-épidermique (composant dit jonctionnel), et dans le derme papillaire et moyen (composant dermique), avec souvent une « maturation » neuroïde vers les parties plus profondes du derme. Les annexes, les vaisseaux, les filets nerveux, les fascias hypodermiques, et parfois le muscle et les ganglions lymphatiques de drainage peuvent être colonisés de cellules naeviques bénignes dans les nævus dits géants.

Complications

Deux complications sont redoutées pour les nævus géants : la transformation maligne du nævus, et la survenue d’une atteinte neurologique en rapport avec une mélanose leptoméningée infiltrante. La probabilité de ces complications est faible mais d’estimation malaisée. A la fois pour les complications neurologiques (mélanose neuroméningée), et cutanées (tumeur maligne développée dans le nævus), les cinq premières années de vie correspondent à la période de risque maximal pour les nævus géants.

Le risque de transformation maligne des nævus congénitaux est mal établi mais une proportionnalité du risque à la taille du réservoir de cellules pigmentaires est la base des attitudes thérapeutiques actuelles. L’expérience prouve que les nodules qui apparaissent sur les nævus congénitaux dans l’enfance sont le plus souvent bénins. Cependant, ce risque de tumeur maligne dans le nævus est l’élément déterminant dans la prise en charge médicale, à côté de la prise en charge du retentissement esthétique et psychologique. Il faut actuellement, dans la plupart des cas, anticiper ce retentissement, quand il s’agit d’un entretien avec des parents
d’un nourrisson atteint d’un grand nævus. La localisation, affichante ou non, le sexe, vont influencer l’attitude.

L’intérêt d’une imagerie cérébrale ou médullaire systématique par IRM en cas de nævus géant n’est pas établi, car l’histoire naturelle des mélanoses neurocutanées asymptomatiques est insuffisamment documentée.

Hormis les rares épisodes d’eczématisation (phénomène de Meyerson sur nævus congénital pouvant causer un prurit), il n’y a pas de retentissement fonctionnel.

Le retentissement physique est exceptionnel (modification des tissus sous jacents des nævus des membres, rachitisme vitaminorésistant, mélanose méningée symptomatique dans les nævus géants).

Traitement

Prise en charge chirurgicale

Une consultation médico-chirurgicale pédiatrique a été mise en place dès 1987 au CHU de Bordeaux pour offrir le maximum de chances aux enfants atteints.

La littérature récente confirme la place prise par les expansions cutanées, qui peut être répétée. L’expansion intraopératoire peut être utile pour l’exérèse de certains nævus des membres. L’utilisation d’une matrice dermique (Integra® ) déjà utilisée chez les brûlés, suivie de greffe permet des approches plus satisfaisantes quand l’expansion n’est pas possible
ou insuffisante, avec un résultat cosmétiquement et biomécaniquement acceptable

L’abstention thérapeutique doit être défendue quand sont pesées négativement les séquelles d’une chirurgie lourde et sa rançon cicatricelle, sans méconnaître l’impact psychologique de la médicalisation et des hospitalisations répétées. Pour les lésions de petite taille, l’abstention
est la ligne de conduite de base, mais une demande personnelle pour convenance esthétique, après des explications sur le risque cicatriciel, mérite d’être examinée. D’où l’importance de consultations multidisciplinaires, à l’abri des pressions intellectuelles et financières, et de la participation active des patients et/ou de leur famille aux décisions.

La chirurgie doit être pratiquée par des équipes spécialisées, disposant d’une expérience quotidienne de l’anesthésie pédiatrique, dans la mesure où la taille et la localisation des lésions à exciser peuvent représenter un défi technique. Pour des lésions de petite ou moyenne taille, la date d’intervention, si une exérèse est envisagée, est la question principale, pour
décider entre intervention retardée possible sous anesthésie locale (généralement après 7-8 ans) et intervention précoce sous anesthésie générale (permettant d’intervenir dans de meilleures conditions techniques, sur une lésion plus petite, avec une peau plus facile à mobiliser) dans les deux premières années. Quand une intervention est envisagée, le projet chirurgical doit être exposé avec suffisamment de détails pratiques et discuté avec la famille, souvent avec un délai de réflexion. Le risque anesthésique en particulier est souvent discuté
avec les familles : pour un jeune enfant en bonne santé qui doit subir une ou des anesthésies générale(s) prophylactique(s) pour un nævus géant, ce risque est considéré inférieur à la transformation maligne du nævus.

Autres traitements

Divers types de lasers ont été utilisés pour traiter les lésions pigmentées (CO2, Ruby, Yag, alexandrite) (23, 41, 53, 56) . Le succès ou l’amélioration ne sont rapportés qu’à court terme, souvent au prix de cicatrices hypertrophiques pour le laser CO2 (37) et les composants cellulaires profonds laissés en place avec risque de résurgence et de dégénérescence tardive, comme pour la dermabrasion. Il s’agit d’un traitement d’appoint esthétique pour l’instant, qui doit être mieux validé par des résultats à long terme incluant une évaluation histopathologique.

Le curetage en période néonatale (technique de Moss) a été appliquée avec des résultats de bonne qualité (2, 26), qui n’ont cependant pas été reproduits par toutes les équipes. Elle exploite la présence transitoire d’un plan de clivage permettant de façon peu hémorragique, de cureter de vastes surfaces naeviques en enlevant le composant superficiel de la lésion.
L’attaque trop profonde induit un risque cicatriciel et hémorragique.

La dermabrasion et le laser C02 de resurfaçage ont été utilisés dans la même indication, et sont à évaluer de façon plus précise.

Surveillance

Pour les naevus opérés et excisés complètement, hormis la surveillance de la qualité de la cicatrice faite par le chirurgien, dans la première année, il n’y a pas de surveillance particulière. Pour les nævus laissés en place, il n’y a pas de recommandations validées. Il peut être utile de proposer à la famille et ensuite au patient adulte une autosurveillance en demandant de consulter en dermatologie en cas de modification de la lésion. Pour les patients anxieux, une surveillance dermatologique tous les ans ou tous les
deux ans peut être proposée.

Pour le dépistage d’une complication de mélanose leptoméningée, une surveillance régulière de la fontanelle et du périmètre crânien chez le nourrisson atteint de nævus géant par le pédiatre ou le généraliste informé du risque peut suffire, l’IRM étant réservée à des données d’examen anormales, ainsi qu’à des manifestations équivoques (retard mental, déficit d’attention..) ou pouvant suggérer un début d’hypertension intracrânienne dans le contexte considéré. Cette surveillance neurologique doit être exercée annuellement jusqu’à l’âge de cinq ans, lors des examens pédiatriques systématiques, chez les enfants porteurs, et en particulier ceux qui ont des naevus médians (céphaliques et du tronc) et des naevomatoses en dalmatien. Chez l’enfant plus âgé ou l’adulte, il ne paraît pas utile d’exercer une surveillance systématique, bien que le risque d’une atteinte symptomatique persiste.

L’intérêt de la photoprotection spécifique des naevus pigmentaires n’est pas établi, et ne doit pas faire oublier la nécessité d’une photoprotection de l’ensemble du tégument chez l’enfant.

Bibliographie

Mérigou D, Prey S, Niamba P, Loot M, Lepreux S, Boralevi F, Leaute-Labrèze C, Vergnes P, Taïeb A. Management of Congenital Nevi at a Dermatologic Surgical Paediatric Outpatient Clinic : Consequences of an Audit Survey 1990-1997. Dermatology 2009;218(2):126-33. Epub 2008 Dec 6. PubMed PMID: 19060469.

Taïeb A, Maleville J: The giant nevus; a multicenter retrospective study of 102 cases. in: Happle & Grosshans: Pediatric Dermatology, Springer Verlag, Heidelberg, 1987. p 127-134.

Van Bogaert L. La mélanose neuro-cutanée diffuse hérédofamiliale. Bull Acad Roy Med Belg 1948; 13 :397-428.

Vergnes P, Taïeb A, Maleville J, Larrègue M, Bondonny JM. Repeated skin expansion for excision of congenital giant nevi in infancy and childhood. Plast Reconstr Surg. 1993;91:450-5.




Liens

Une collaboration existe avec les associations de malades en particulier l’association Naevus 2000 France Europe.

Cette collaboration s’est étendue au niveau international pour créer un registre de patients et faire avancer la recherche (Nevus Outreach).

Association naevi